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Les Perturbateurs Endocriniens. Ce que vous devriez savoir!

La brève histoire des perturbateurs endocriniens

Une revue de la littérature publiée dans la Molecular endocrinology revient sur les principales étapes du développement du concept de perturbateur endocrinien (PE) et sur les questions encore en suspens.

Quelles sont les principales étapes et recherches menées pour étudier les perturbateurs endocriniens

Premières suspicions et premiers travaux dès 1966                                                                                          Le gouvernement américain crée en 1966 l’Institut National des Sciences de la Santé Environnementale (National Institute of Environmental Health Sciences, NIEHS) afin d’étudier comment l’environnement affecte la santé humaine, puis en 1970, l’agence de protection environnementale (Environmental Protection Agency, EPA) afin d’améliorer la santé humaine et l’environnement.
Durant la même période, les écologistes commencent à observer des phénomènes inattendus tels que la diminution de la reproduction des visons domestiqués près des Grands Lacs ; la mort de poussins de goélands argentés dans leurs œufs ; la mort d’alligators au lac Apopka en Floride et la présence de nombreux troubles génitaux chez les mâles ; la présence d’anomalies sévères de la reproduction chez des poissons en Angleterre. La NIEHS s’empare du sujet et tient en 1979, la première réunion sur les Estrogènes dans l’Environnement (Estrogens in the Environment meeting).
Puis, en 1980, Robert L. Metcalf montre comment les produits chimiques s’accumulent et se dégradent dans les organismes vivants. Et, en 1985, une seconde réunion de la NIEHS met en évidence l’effet des estrogènes environnementaux sur le développement précoce des seins de jeunes filles à Porto Rico. Au cours de cette réunion, l’impact de l’exposition aux estrogènes sur l’hypospadias et la cryptorchidie, la réduction de la qualité du sperme et les cancers des testicules notamment est discuté.
La conférence de Wingspred : un tournant majeur
En juillet 1991, la conférence de Wingspread dans le Wisconsin, rassemblant de nombreux scientifiques d’horizons divers se révèle être un tournant décisif. C’est là qu’émerge pour la première fois le terme de « perturbateurs endocriniens », accompagné du commentaire suivant : « Nous sommes certains de ce qui suit : un grand nombre de produits chimiques fabriqués par l’homme déversés dans l’environnement ainsi que certains produits naturels, ont le potentiel de perturber le système endocrinien animal, y compris celui des êtres humains ».
Entre 1990 et 2012 : le ton monte !                                                                                                                       Entre 1990 et les années 2000, toute une série d’études provocatrices attirent l’attention sur le fait que les PE pourraient présenter des toxicités variables selon les doses. Parallèlement, la liste des PE s’allonge rapidement grâce au screening in vitro.
Une troisième réunion de la NIEHS se tient en 1994, elle établit des liens entre les expositions aux estrogènes et certaines maladies chez l’Homme. En 1992, Niels Skakkebaek montre une association entre la diminution de la qualité du sperme et l’exposition environnementale aux estrogènes chez des hommes scandinaves sur une période de 50 ans.
Au milieu des années 1990, le Congrès américain a chargé l’EPA d’évaluer l’activité hormonale de plus de 70.000 composés. Le programme de dépistage continu d’évoluer encore aujourd’hui.
En 2002, une étude de l’OMS décrit l’état de la science en matière de perturbateurs endocriniens mettant en évidence les mécanismes d’action et les effets sur la santé des animaux et des humains.
L’American Chemical Society a été la première société professionnelle à publier une déclaration de politique sur les PE en 2006.
L’Endocrine Society a publié une déclaration majeure en 2009, identifiant les PE comme un domaine de préoccupation majeur. Cette déclaration s’est révélée être un jalon important pour la légitimité du domaine auprès des médecins et d’autres scientifiques.
Des documents importants émanant de l’OMS en 2012 ou des Autorités Européennes en 2013 ont renforcé ces messages.
Le Japon et l’Europe se mobilisent également                                                                                                      Au Japon, en 1968, et à Taïwan en 1979, un lot d’huile de riz contaminé par les PCB ont rendu malades des milliers de personnes. Les femmes exposées étaient plus susceptibles d’avoir des bébés de faible poids à la naissance et présentant des retards de développement neurologique. Depuis le Japon est devenu l’une des premières nations à aborder le problème des perturbateurs endocriniens.
À Weybridge, en Europe, en 1996 des chercheurs se sont réunis pour le premier Atelier Européen sur l’impact des perturbateurs endocriniens sur la santé humaine et sur la faune, suivi d’un nouvel atelier 10 ans plus tard en 2006. Au cours de la décennie écoulée, l’Union Européenne a alloué des fonds substantiels à la recherche sur l’impact des perturbateurs endocriniens sur la faune aquatique, les oiseaux, les mammifères et les hommes. Un rapport de l’Agence Européenne pour l’environnement a été publié en 2012 résumant les progrès réalisés dans le domaine entre 1996 et 2011.
Et maintenant, que fait-on ?

Il est aujourd’hui évident que des substances présentes dans notre environnement contribuent à certaines maladies en interférant avec le système endocrinien humain et pourraient d’avoir une puissante action épigénétique.

Pour certains produits chimiques, comme le distilbène (DES), le dichlorodiphényldichloroéthane (DDT), les biphényles polychlorés (BPC) ou la dioxine, les effets documentés sur la santé ont justifié la mise en place d’une réglementation pour limiter l’exposition humaine. Cependant, beaucoup de PE potentiels, utilisés dans les produits de consommation courante sont encore en cours d’étude.

Un mouvement se développe aux Etats-Unis, en Europe, au Japon, et même dans certains pays en développement, pour identifier les PE et déterminer les seuils d’exposition humaine à ne pas dépasser.

De nombreux PE ont été produits et relargués dans l’environnement par « accident », et d’autres de façon intentionnelle alors que l’on connaissait leurs propriétés néfastes. C’est le cas des contraceptifs à base de 17-éthinylestratiol (EE2) et de certains pesticides comme le DTT. Les EE2 présentent bien évidemment des avantages en termes de santé publique pour leur utilisation contraceptive, mais constituent également une menace écologique car ils sont en partie relargués par les urines des femmes pour se retrouver dans les stations de traitement des eaux usées et dans les plans d’eau où ils entraînent la féminisation des poissons mâles.

De nombreuses questions sont encore en suspens  

Avec l’avancée  PE, de nouvelles questions se posent  : « Quels sont les mécanismes d’action, notamment en ce qui concerne les effets latents ? », « Les PE actuellement connus comme « estrogènes » ou « antiestrogènes » affectent-ils également d’autres processus physiologiques ? », « À quel degré les humains et les animaux sont-ils exposés aux PE, et combien de temps ces produits persistent-ils dans l’organisme ? », « Quelles sont les relations entre les PE et le système nerveux, le système cardiovasculaire, le développement osseux, l’obésité, le diabète, le syndrome métabolique ? », « Quelles sont les périodes de la vie les plus vulnérables à l’exposition aux PE  ? ». Des études ont suggéré que la préconception, la gestation, l’enfance, la puberté et la ménopause constituaient des fenêtres plus sensibles, mais d’autres sont sans doute encore à découvrir. « Existe-t-il des biomarqueurs prédictifs qui permettraient de repérer précocement les effets des PE sur la santé ? », « Comment les facteurs environnementaux influencent-ils les phénotypes ? », « Quel est l’effet direct sur l’expression des gènes ? ».

Perturbateurs endocriniens : quel impact en santé humaine ?

Le concept de perturbateurs endocriniens (PE) encore très obscur il y a quelques dizaines années, est aujourd’hui au centre de multiples préoccupations médicales, réglementaires et citoyennes. L’émergence et le développement de ce champs d’étude n’ont pas toujours suivi des chemins sans heurts… L’exposition de nos organismes et de notre environnement aux perturbateurs endocriniens constitue un défi mondial de santé publique étant donné le rôle central que joue le système endocrinien chez les vertébrés. Il régule en effet des fonctions biologiques critiques telles que le métabolisme, la croissance et le développement, la reproduction, le comportement… Une revue récente a décrit l’évolution de l’état des connaissances dans le domaine et les menaces associées, l’occasion de revenir sur quelques données fondamentales.

Qu’est-ce qu’un perturbateur endocrinien ?

En 2012, l’éminente Endocrine Society a défini les perturbateurs endocriniens comme étant des « produits chimiques exogènes ou un mélange de substances chimiques pouvant interférer avec n’importe quel aspect d’une action hormonale ». Ainsi, ces produits chimiques peuvent se lier aux récepteurs endocriniens de notre corps pour activer, bloquer ou altérer la synthèse et la dégradation d’une hormone naturelle par de multiples mécanismes aboutissant à une perturbation du signal hormonal physiologique. Dès 1958, Roy Hertz a présagé que certains produits chimiques utilisés pour engraisser le bétail pouvait se retrouver chez l’homme et imiter l’activité hormonale. En 1970, des chercheurs ont commencé à faire le lien entre certains composés chimiques et des cancers rares ou des troubles de la reproduction humaine ou animale. Aujourd’hui on compte environ 1.000 composés chimiques ayant un effet endocrinien, sur les 80.000 composés chimiques de notre environnement, mais… tous ne sont pas encore identifiés.

Quel est impact démontré des perturbateurs endocriniens ?

Des études épidémiologiques ont relié les perturbateurs endocriniens au syndrome métabolique, aux désordres osseux, aux désordres immunitaires et à certains cancers. Chez l’animal, des études ont montré des associations ayant de nombreux autres effets sur la santé, notamment l’asthme, les troubles de l’apprentissage et du comportement, la puberté précoce, l’infertilité, le cancer du sein et de la prostate, la maladie de Parkinson, l’obésité. Une question se pose à l’aune de ces résultats : « Si les produits chimiques ont de tels effets sur la faune, quel pourrait être leur impact chez l’Homme ? ». Une série de tragédies médicales mettant en cause le diéthylstilbestrol (distilbène ou DES), un estrogène synthétique prescrit à des millions de femmes durant leur grossesse pour réduire le risque de fausses couches, a contribué à fournir certains indices… Pour la première fois, les médecins et scientifiques ont pu constater qu’un produit chimique pouvait causer des effets délétères visibles à la naissance (malformations physiques), mais également à plus long terme (malformations génitales, risque augmenté de certains types de cancers). Les PE ont des mécanismes d’action multiples, ils peuvent ainsi imiter l’action d’une hormone, provoquant des réactions inopportunes, bloquer l’action d’une hormone en l’empêchant d’agir sur ses cellules cibles ou perturber la production, le transport, la régulation ou l’élimination d’une hormone ou de son récepteur. Ceci peut conduire par exemple à des effets estrogéniques ou antiandrogéniques, créant parfois des signaux estrogéniques non prédits lorsque chaque action est étudiée seule. Compliquant encore la recherche, certains composés perturbant les signaux cellulaires de la thyroïde pouvent affecter l’action d’autres hormones ou d’autres PE. On comprend alors que cette complexité s’insère difficilement dans le cadre de l’évaluation des risques et de la gestion des risques qui repose largement sur le calcul d’un seuil d’exposition inférieur à celui considéré comme sûr. Ainsi, la recherche toxicologique axée sur les doses élevées, comme pour les expositions professionnelles n’est pas particulièrement pertinente pour les niveaux d’exposition typiques (faibles) aux PE. Enfin, la longue période s’écoulant entre les expositions précoces et le développement de la maladie rend difficile le suivi de la morbidité due à l’exposition aux PE. Les auteurs de cette revue ajoutent que ce schéma est encore compliqué par les « potentielles fenêtres de susceptibilité » de développement sur lesquelles toute perturbation endocrinienne peut avoir des effets importants.

Perturbateurs endocriniens : quel coût humain et économique ?

Les produits chimiques perturbateurs endocriniens comprennent notamment des solvants industriels, des lubrifiants et leurs sous-produits (polychlorobiphényles-PCB), polybromodiphényles et dioxines), des additifs de plastiques (bisphénol A), des plastifiants (phtalates), des pesticides (méthoxychlore, chlorpyrifos, dichlorodiphényltrichloroéthane-DDT) ainsi que des agents pharmaceutiques (diéthylstilbestrol-DES). Certaines études ont montré que les perturbateurs endocriniens contribuaient avec une probabilité supérieure à 99% à la survenue de certaines maladies, entraînant des coûts associés pour les états. L’exposition aux perturbateurs endocriniens varie considérablement entre les Etats-Unis et l’Europe, compte tenu de la différence de réglementation. Des chercheurs ont tenté d’évaluer les différences en termes d’impacts sanitaires et économiques.

Méthodologie

Sur la base de modèles existants et d’études épidémiologiques et toxicologiques, des probabilités de relation de causalité entre des substances chimiques et des troubles de la santé ont été mesurées. Les troubles considérés étaient : la perte de capacités intellectuelles (mesurée par la diminution de points de quotient intellectuel-QI), le déficit de l’attention, l’hyperactivité, l’autisme, l’obésité (chez l’adulte et l’enfant), le diabète (chez l’adulte), la cryptorchidie, le cancer des testicules, l’infertilité masculine, la mortalité cardiovasculaire précoce due à la réduction de la testostérone, le léiomyome, l’endométriose.
Les coûts totaux associés à chaque trouble ont été estimés en englobant les coûts directs (ex. traitements) et indirects (ex. perte de productivité).
Les estimations ont été réalisées sur la base de la population et des coûts aux États-Unis en 2010. Les coûts associés à l’Union Européenne ont été convertis en dollars américains sur la base de 1 euro = 1,33 dollars.
Résultats                                                                                                                                                                           Aux États-Unis, les troubles neuro-comportementaux (illustrés par la perte de points de QI) résultant de l’exposition in utero aux polybromodiphényléthers (PBDE), ou aux pesticides organosphosphorés, constituent l’un des fardeaux les plus importants liés à l’exposition aux perturbateurs endocriniens. Plus de 1.500 cas d’autisme et 4.400 cas de déficit de l’attention avec hyperactivité ont également été associés à l’exposition aux perturbateurs endocriniens. Le di-2-éthylhexylphtalate a été associé à des cas d’obésité chez l’adulte et l’enfant, à l’endométriose et au diabète chez l’adulte. Plus globalement, les phtalates ont été associés à 10.700 décès cardiovasculaires précoces en raison de la réduction de la testostérone sérique qu’ils entraînent ; le bisphénol A, lui, a été associé à l’obésité infantile. Un nombre plus faible de cas d’obésité infantile ont été attribués au dichlorodiphényltrichloroéthane dont l’exposition était également associée au diabète chez l’adulte et aux fibromes utérins nécessitant une intervention chirurgicale.
L’impact économique annuel le plus élevé était celui lié aux dysfonctionnements associés aux PBDE (troubles neurocognitifs), puis aux phtalates (endométriose, fertilité masculine, obésité et diabète chez l’adulte).
En 2010, les coûts liés aux perturbateurs endocriniens en termes de santé ont été beaucoup plus élevés aux États-Unis (340 milliards de dollars, soit 2,33% du PIB) qu’en Europe (217 milliards de dollars soit 1,28% du PIB).
Le nombre estimé de cas de déficience intellectuelle induits par les PBDE était beaucoup plus important aux États-Unis que dans l’Union Européenne, alors que le contraire a été constaté en ce qui concerne ceux induits par les pesticides organophosphorés.La perte de points du quotient intellectuel (QI) due aux polybromodiphényléthers correspond à 43.000 cas aux États-Unis, soit 11 millions de points de QI perdus et un coût associé de 266 milliards de dollars, contre 3.290 cas pour l’Union Européenne, soit 873.000 points de QI perdus et un coût associé de 12,6 milliards de dollars.
Les pesticides organophosphorés ont contribué aux coûts liés aux perturbateurs endocriniens à hauteur de 121 milliard de dollars dans l’Union Européenne contre 42 milliards de dollars aux États-Unis.
À retenir                                                                                                                                                                      L’exposition aux perturbateurs endocriniens aux États-Unis et en Union Européenne contribue à l’apparition de maladies et de troubles ayant un impact en termes de santé. Les coûts annuels atteignent 2,33% du PIB aux États Unis, contre 1,28% pour l’UE. Par ailleurs, ces résultats montrent que les mesures réglementaires visant à limiter l’exposition aux perturbateurs endocriniens sont susceptibles de produire des économies importantes dont il est judicieux de tenir compte lors de l’examen de solutions alternatives plus sûres.

ref:univadis.fr  Nathalie Barrès

Les femmes enceintes sont très exposées aux perturbateurs endocriniens

Des traces de perturbateurs endocriniens, des polluants qui perturbent le système hormonal, ont été retrouvées chez la quasi-totalité des 4.100 femmes enceintes incluses dans la cohorte française Elfe, selon des résultats publiés par Santé publique France. Plus de 70% des participantes sont exposées au bisphénol A, 99,6% à au moins un phtalate et 100% aux pyréthrinoïdes, détaillent Le Quotidien du Médecin et Le Généraliste. Cependant, la concentration de ces substances est en légère baisse par rapport à des études antérieures et aucune participante ne dépasse le seuil sanitaire de 40 µg/L pour les PCB. Début 2017, l’étude évaluera l’exposition aux métaux pendant la grossesse, puis Santé publique France émettra des recommandations sur les niveaux d’exposition aux différents polluants. Un autre volet du programme national, l’étude Esteban, portera sur la population générale, à partir d’un échantillon de 4.000 adultes et 1.000 enfants.

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