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Environnement et santé publique :

Des infractions difficiles à poursuivre

Par nature discrète, la gendarmerie monte au créneau. Souvent appelée à traiter des infractions liées à l’environnement ou à la santé publique, elle déplore les difficultés qu’il y a à les poursuivre pour cause de dispositif juridique inadapté. Aussi met-elle en avant une étude qui plaide pour une profonde réforme des procédures et sanctions applicables à ce type de faits.

Traditionnellement chargée de traiter les infractions liées à l’environnement et à la santé publique, la gendarmerie pointe du doigt le dispositif pénal incomplet et complexe qui leur est appliqué. C’est ce qui ressort d’une étude rendue publique par le Centre de recherche de l’école des officiers et le Bureau de police judiciaire de la gendarmerie nationale, le 18 mai à Paris.

Pour inverser la tendance, il conviendrait alors d’opérer des changements radicaux et spectaculaires de notre droit. Sans cela, de trop nombreuses atteintes graves à l’environnement ou à la santé publique continueront de rester impunies (non-lieu, relaxe…) ou de s’éterniser dans des procédures sans fin.

D’après l’étude, ces modifications sont d’autant plus nécessaires que face à un risque judiciaire faible, les gains peuvent être énormes pour les auteurs de tels faits. « Ce n’est pas un hasard si la criminalité organisée s’intéresse de plus en plus au trafic de médicaments, de déchets ou encore aux fraudes alimentaires », remarque le colonel Thierry Bourret, chef du bureau de la police judiciaire de la gendarmerie.

C’est donc un traitement de cheval qui est préconisé pour inverser la tendance. Menée par Coralie Courtaigne-Deslandes, docteur en droit, l’étude, très technique et argumentée, propose d’introduire dans le code pénal français « deux infractions intentionnelles de mise en danger, l’une de l’environnement, l’autre de santé publique ». À l’heure actuelle, de trop nombreuses affaires butent notamment sur la nécessité de prouver un lien de causalité entre les faits et un dommage certain. Une mission souvent délicate… voire impossible (manque de certitudes scientifiques avérées, effets qui se manifestent sur le long terme, victimes multiples et éparpillées…).

La création de ces deux délits spécifiques permettrait alors de contourner cet obstacle et accélérerait le cheminement de l’enquête. Mais cette mesure phare doit être accompagnée d’un certain nombre de dispositions complémentaires ou accessoires.

Des moyens comparables à ceux utilisés dans le trafic de stupéfiants
Ainsi, les outils juridiques (écoutes téléphoniques, gel des avoirs du mis en cause…) dont bénéficient les policiers et gendarmes dans le cadre de trafics de stupéfiants devraient être utilisables pour les atteintes les plus graves à l’environnement et à la santé publique. « L’extension de ce régime procédural spécial serait d’autant plus justifiée que la délinquance en matière sanitaire et environnementale répond bien souvent aux mêmes logiques […], note l’étude. Dans des cas de plus en plus nombreux, les infractions en matière sanitaire et environnementale servent souvent « d’écran » à d’autres délits économiques et financiers et plus complexes à démontrer ».

Il faut également offrir au juge la possibilité de prononcer des peines réellement dissuasives. De fait, l’étude plaide pour que les infractions environnementales et de santé puissent être punies par plusieurs années de prison et/ou une amende dont le montant pourrait aller jusqu’à 750 000 € ou 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise sanctionnée.

Bien qu’elle n’en soit pas l’auteur, la gendarmerie n’en partage pas moins les conclusions de ces travaux. Seulement, même si elle est au contact du terrain et à ce titre une force de proposition crédible et objective, cette institution n’a pas vocation (ou habitude ?) à monter au créneau pour défendre les propositions qui en découlent. C’est donc au politique, aux associations, ou, plus largement, à la société civile de prendre le relais et d’ouvrir le débat. Question sensible… Dans le passé, des enquêtes se sont « embourbées » en raison de pressions diverses (d’ordre économique, par exemple), par manque de volonté ou de moyens. De ce point de vue-là, pas sûr qu’un cadre juridique plus balisé et plus sévère ne change fondamentalement la donne…
Arnaud de Blauwe – wwwquechoisir.org – 05/2015

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