Santé-Bien être

« Jusqu’où faut-il modifier les moustiques pour prévenir les maladies ? »

C’est ce que se demande La Croix, qui observe que « la mairie de Nouméa en Nouvelle-Calédonie a lâché, mercredi 10 juillet, les premiers moustiques auxquels une bactérie a été inoculée, permettant d’éradiquer la dengue ».
Éric Marois, biologiste à l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire (Inserm-CNRS-Université de Strasbourg), explique ainsi que « jusqu’à il y a peu, on neutralisait les moustiques vecteurs de maladies infectieuses humaines comme le paludisme, la dengue, le chikungunya et zika, en faisant appel aux insecticides de synthèse, qui étaient censés tuer les moustiques. Sauf qu’ils se sont avérés à la fois peu ou pas efficaces et néfastes pour le reste de la faune ».
Le spécialiste indique qu’« aujourd’hui, on sait que d’une part ces insecticides ne sont pas spécifiques et qu’ils dégradent la biodiversité, en tuant directement d’autres insectes et d’autres animaux et indirectement en intoxiquant les prédateurs naturels des moustiques […]. Par ailleurs, à l’instar des antibiotiques vis-à-vis des bactéries, de plus en plus de moustiques développent des résistances aux insecticides, les rendant alors inefficaces ».
Éric Marois évoque donc « des moyens de lutte biologique voire biotechnologique impliquant des ajouts biologiques ou des modifications d’éléments du moustique, génétiques ou pas, afin d’empêcher qu’il se reproduise ou qu’il transmette le parasite à l’Homme ».
Le biologiste explique que « depuis une dizaine d’années, plusieurs méthodes ont été mises au point, certaines encore expérimentales, d’autres s’avérant probantes, au moins temporairement et localement. C’est le cas du largage de moustiques hébergeant une bactérie permettant de lutter contre la dengue, qu’ont mis au point des Australiens de l’université Monash en 2018 et qui vient de démarrer, pour la première fois en France, à Nouméa ».
Il observe que « c’est une technique judicieuse, car elle s’appuie sur ce que la nature nous donne. Et plus précisément sur la présence naturelle d’une bactérie, dénommée Wolbachia, qui vit au sein même des cellules de 60% des moustiques dans le monde. C’est cette bactérie qui empêche la transmission du virus de la dengue d’un moustique à l’homme ».
« Le but est qu’à terme, tous les moustiques en soient porteurs. Des lâchers de moustiques Wolbachia vont donc avoir lieu chaque semaine pendant 6 mois, le temps que la population locale de moustiques se renouvelle et qu’il n’y ait plus que des moustiques Wolbachia », poursuit Éric Marois.
Le spécialiste note cependant que « comme pratiquement toutes les méthodes de bioingénierie, on perturbe quelque peu l’écologie environnante, même sans être toxique pour la faune : on diminue en effet la vigueur et la longévité de la population de moustiques, ce qui est positif pour la lutte contre la dengue, mais négatif pour les prédateurs qui s’en nourrissent ».
Il ajoute qu’« on ne sait pas si le virus de la dengue ne va pas contourner l’action de Wolbachia et devenir résistant. Il est toujours difficile de prévoir si une technique mise au point sur une paillasse en laboratoire va être efficace in situ, dans la nature, en présence de centaines d’autres espèces animales ».

cf: mediscooop.net

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